Un programme de recherche sur les comportements et les expériences des visiteurs de lieux culturels.

Le projet Scenoscope, en collaboration avec le musée de l’Ephèbe (Cap d’Agde), le Muséum de Toulouse et le centre culturel Kiasma (Castelnau-le-Lez), mène plusieurs actions de recherche sur les expériences culturelles. Ce concept porte sur la production de dispositifs scénographiés anticipant hypothétiquement une réception sur la base de praxis et projections professionnelles des experts (musées, agences, artistes…) d’une part et l’expérience effective des visiteurs/spectateurs dont la connaissance plus ou moins empirique et fine alimente les savoirs experts d’autre part.

 

D’une part, il s’agit d’observer, de décrire et d’analyser les processus de travail des experts (musées, agences, artistes…) lors de la création de dispositifs scénographiés, anticipant hypothétiquement une réception sur la base de praxis et de projections professionnelles.

 

D’autre part, l’analyse porte sur les expériences culturelles effectives des visiteurs dans les espaces ainsi scénographiés, à l’aide d’un dispositif ad hoc, dont la connaissance plus ou moins empirique et fine alimente les savoirs experts.

Des productions professionnelles de création scénographique...

L’élaboration d’un espace scénique s’appuie sur une pensée, un processus et des méthodes qui lui sont propres (Guinebault 2012 : 296). La scénographie autrement l’art de l’espace s’adosse à trois entrées selon Guinebault : définir le point de vue, dramatiser l’espace, jouer avec les signes et en ce sens, le scénographe définit les conditions de réception du spectateur, utilise les cadres de scène et exécute un travail interprétatif. Mais il faut aussi que ce travail remplisse une exigence de captation esthétique pour séduire, favoriser les perceptions du public. Il devient alors lui-même, une œuvre d’exposition d’œuvre exposée. Cela implique et nous impose de comprendre la genèse des dispositifs scénographiques c’est-à-dire la manière dont les professionnels travaillent pratiquement à cette création (scénographes, conservateurs, artistes, médiateurs) et œuvrent pour l’œuvre exposée, mise en scène, chorégraphiée. D’un point de vue des arts vivants, la scénographie participe de formes d’expériences spectatorielles multiples. Si l’œuvre « parle » c’est qu’elle s’ancre dans notre expérience personnelle, c’est que nous sommes en accord avec elle. Et ce rapport est essentiel au processus de scénographie. Nous emprunterons à Benjamin Lesson le terme de spectation : « En prenant en considération les détails signifiants qui dictent la manière dont l’œuvre doit être lue le spectateur reconnaît l’intelligence déjà appliquée à une œuvre à sa création (…) Le spectateur a donc un rôle dans le procès de signification de l’œuvre, une fonction aussi essentielle que celle de l’artiste ». L’activité spectative est multi-facette et peut être envisagée comme participation active, perceptions des  sensorialités et effets de présence (Lesson 2013; Dospinescu 2007). L’un des objectifs du programme SCENOSCOPE est de saisir cette dimension spectative en tant qu’activité constituante de la production scénographique : quelle existence particulière lui confère la production scénographique ? La scénographie adopte ainsi une fonction interstitielle ou comment replacer l’œuvre dans un interstice qui parviendrait à restituer le dramatique de l’œuvre et à laisser au spectateur l’espace et le temps nécessaire pour connaître l’œuvre.

 

1. Observer les pratiques professionnelles

Cette première étape vise à comprendre l’élaboration de l’espace scénique comme objet principal de la production scénographique. Nous procédons pour cela à l’enregistrement audiovisuel, la prise de note, la photographie d’activités de co-conception, de découverte du lieu de la mise en scène…Nous permettant ainsi de recourir à la description ethnographique des pratiques professionnelles. Les éléments descriptifs relèvent à la fois d’une forme d’intuition du chercheur et de la manière dont les participants vont interagir concomitamment ou pas au cadre social attendu et partagé (Sacks 1993) ou bien si un évènement dans le déroulement de l’action vient perturber le cadre de l’expérience (Goffman 1991).

2. Analyser les interactions et les catégories circulantes

L’étape suivante est d’analyser les interactions dans ces diverses activités. En effet, il est question d’analyser les catégories déployées par les participants pour rendre compte de l’espace scénique en cours d’élaboration, catégories dont la signification peut être plus ou moins partagée selon les participants en présence. L’équipe projet entend constituer un corpus dont le principal objectif consiste à élaborer des collections de phénomènes langagiers sur la base d’enregistrements audiovisuels des activités citées supra. Dans notre perspective, il est conçu comme une interface (sous la forme d’une base de données ou d’un site Internet) entre compréhension des productions scénographiques et leurs réceptions par le public.

3. Caractériser la création scénographique

Caractériser la création scénographique en élaborant des formats prototypiques des activités et des interactions qui la constituent.

...aux expériences culturelles des visiteurs / spectateurs

Comprendre l’expérience des visiteurs…

Comment observer les comportements des visiteurs dans un espace culturel ? Depuis plus d’un siècle, l’abondante littérature grise est le reflet de la complexité des réflexions sur les connaissances des publics, la fréquentation des établissements, l’attractivité de certains thèmes d’exposition… A côté des études qui décrivent les caractéristiques préalables et déterminantes dans la visite (telles les caractéristiques sociologiques par exemple), se développent notamment des approches liées à l’ « expérience des visiteurs » réelle.

 

… dans le rapport à l’œuvre et à l’autre

Il s’agit bien de saisir les comportements et les réactions, et de voir comment la médiation inscrite dans une scénographie travaille les personnes et les œuvres. L’intérêt porte donc sur un double dialogue du visiteur : avec l’œuvre (expôts, spectacle…) mise en scène et avec d’autres visiteurs. La tâche est complexe : elle mêle des approches qualitatives et quantitatives attachées aux comportements observables (comme les déplacements, la matérialité du dispositif scénographique, les dialogues) et des informations déclarées (des impressions par exemple), en contexte et en cours d’action. Ces approches sont développées par étapes pour être combinées.

 

Dans ce projet, les visiteurs / spectateurs sont les véritables acteurs de la recherche. Volontaires, ils sont informés au préalable de la démarche d’observation et, en retour, sont informés des suites de la recherche.

Toutes les données sont récoltées sous le régime du consentement éclairé et anonymisées. La démarche est déclarée auprès des autorité compétence et donne lieu à un Plan de gestion des données (Data Management Plan).

 

1. Observer les déplacements


Cette première étape est celle de la mise en place du système de micro-localisation en intérieur, par un système (léger et non invasif) d’étiquettes RFID : solutions techniques d’implémentation, de captation et de présentation de données. Les visiteurs sont équipés d’un dispositif de captation embarqué (dans un petit sac) permettant d'observer leurs déplacements dans l'espace scénographié. Deux types de visite peuvent être envisagées : en solo et en duo.

2. Saisir les interactions



Une deuxième série d’observations sera effectuée. Elle repose sur le croisement des données de localisation et des données dialogales entre visiteurs. Les volontaires, en duo, seront équipés en plus d’un dispositif d’enregistrement des interactions langagières pendant le temps de déambulation. Il s’agira ici de prendre en compte la dimension complexe des influences interpersonnelles dans le rapport à l’œuvre et dans le processus de la visite.

3. Récolter les impressions

Les données de déplacement seront complétées par un dispositif de renseignement des impressions en cours de visite. Les différents espaces seront questionnés au prisme de l’expérience du visiteur incluant l’expression du sensible (Bailly, Marchand, 2016) et la verbalisation des émotions. Pour ce faire, un dispositif sur smartphone sera déployé à fin d’enregistrer le ressenti de l’usager sous diverses formes (textes, sons, images, couleurs, vidéo…).